Dans cet entretien, Nicolas Marcoin, Responsable Marketing Produits chez Odigo, expose sa vision pragmatique de l'intelligence artificielle dans les centres de contact. Leader européen du CCaaS, Odigo se positionne comme orchestrateur de solutions IA, mêlant développements internes et partenariats stratégiques. L'échange met en lumière quatre usages clés de l'IA : qualification des interactions, traitement automatique, assistance aux conseillers et analyse des conversations. Nicolas Marcoin insiste sur l'importance d'une approche métier plutôt que technologique, et partage son expérience sur les déploiements concrets, abordant les questions de ROI et d'accompagnement au changement.

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IA & Communications d’entreprise : le point de vue de Odigo

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Didier Lambert (DL) : Aujourd’hui j’ai le plaisir d’échanger avec Nicolas Marcoin qui est Responsable Marketing Produits chez Odigo. Bonjour Nicolas, comment vas-tu ?

Nicolas Marcoin (NM) : Bonjour Didier, je vais très bien merci.

DL : Merci de me rejoindre pour cet échange où l’on va parler d’intelligence artificielle. Peut-être avant, en quelques mots, est-ce que tu peux nous dire qui est Odigo et son positionnement sur le marché français notamment ?

NM : Bien sûr. Alors Odigo c’est un leader européen du domaine du CCaaS (centre de contact en mode Cloud) et notre raison d’être c’est vraiment d’améliorer l’efficacité des interactions entre une marque et ses clients. On s’appuie pour cela sur un catalogue d’offres qui couvre l’ensemble du parcours client, donc depuis la collecte de l’ensemble des interactions qu’elles soient vocales ou digitales. On va pouvoir qualifier l’ensemble de ces interactions, les router vers le meilleur point de service, que ce soit en automatique ou par un conseiller, ce conseiller étant équipé d’outils Odigo ou de connecteurs avec les CRM. On a tous les outils également pour monitorer le suivi de la performance.
Et puis pour terminer sur une présentation rapide d’Odigo, notre positionnement est un positionnement triple : on est éditeur de notre propre solution, on est également intégrateur notamment sur le marché français, et également opérateur, ce qui fait que les solutions d’Odigo sont garanties dans une offre de bout en bout pour servir environ 250 clients, alors en France majoritairement mais aussi en effet sur le niveau européen, de tout secteur d’activité.

DL : D’accord. Alors on reviendra probablement sur ce positionnement notamment sur la partie intégration quand on parlera de déploiement. Auparavant, puisqu’on est là pour parler d’intelligence artificielle – je vais mettre un S aux deux mots – de quoi on parle chez Odigo quand on parle d’intelligences artificielles ?

NM : Alors déjà l’intelligence artificielle chez Odigo ce n’est pas un sujet nouveau, c’est un sujet qu’on suit depuis une quinzaine d’années autour des portails d’accueil, donc c’est vraiment l’accueil notamment des interactions vocales avec la notion de langage naturel. La philosophie chez Odigo c’est vraiment d’orchestrer une ou plusieurs solutions qui peuvent être en effet développées en interne mais aussi prises avec des partenaires externes avec qui on a des contrats très forts, et c’est vraiment de mixer l’ensemble des solutions pour apporter le meilleur niveau de service.
Comme ce domaine de l’intelligence artificielle va très vite, on croit plutôt à cette notion d’orchestration. Donc historiquement, on avait des partenaires type Nuance il y a à peu près 15 ans, ce qui nous a permis de bien comprendre ces solutions. Et puis aujourd’hui on a d’autres types de partenaires, donc on travaille beaucoup avec un partenaire clé qui s’appelle Illuin Technology avec qui on travaille pour déployer cette IA.

L’idée clé, c’est que nos solutions d’IA doivent répondre à un besoin métier et doivent s’orchestrer dans la proposition globale des solutions de Relation Client. Il y a l’IA mais il n’y a pas que l’IA, donc il faut vraiment que l’IA soit un plus et vienne s’intégrer et apporte énormément de bénéfices.

DL : Oui, c’est un vrai sujet – où est-ce qu’on met le curseur ? L’IA à tout prix c’est peut-être pas une bonne idée, mais l’IA au bon moment et pour le bon usage c’est peut-être plus raisonnable. Mais au-delà donc de l’écosystème partenaire, on a bien compris cette logique d’orchestration. Est-ce que concrètement tu peux nous donner quelques exemples d’application ?

NM : Concrètement, l’IA va être sur l’ensemble du parcours de traitement des interactions. Le premier point, c’est ce qu’on appelle l’IA pour qualifier. Donc là, que ce soit un dispositif vocal ou textuel, c’est vraiment pouvoir qualifier quel est le motif. On a différents types d’IA, notamment des prédictifs qui marchent très bien aussi pour faire ce type de tâche, comprendre aussi le sentiment, peut déjà avoir une notion de sentiment à cette étape-là. Donc c’est vraiment les premières briques, sous forme aussi de callbot, de chatbot, de WhatsApp bot, pas mal de choses.

La deuxième phase qu’on va pouvoir déployer, c’est l’IA pour du traitement automatique. Traiter automatiquement, ça peut être soit avoir des processus de bout en bout, soit aussi répondre à des questions, par exemple sur du chatbot, répondre à des questions d’internautes sur des sujets d’entreprise. Là aussi on a finalement un mix d’IA, notamment d’IA générative de plus en plus sur ce point-là.

On a une troisième grande famille de catégorie, c’est l’IA pour assister. Là on est plus vis-à-vis des conseillers, comment l’IA a un impact sur le métier des conseillers. On sait qu’aujourd’hui il y a beaucoup de tâches chronophages, donc comment l’IA peut les aider. Typiquement, on a une solution pour les résumés de conversation qui permet de faire gagner du temps mais qui permet aussi de fiabiliser l’information de l’ensemble des interactions qui ont eu lieu entre une marque et ses clients.
Et on a une dernière catégorie d’IA qui est pour analyser. Là on a une gamme d’offres et de solutions qui vont permettre d’analyser l’ensemble des verbatims, l’ensemble des conversations. Là aussi on a une mine d’information et l’IA permet d’exploiter plus rapidement, donc au lieu d’aller lire l’ensemble des conversations, on va pouvoir avoir deux grands buts avec cette analyse : une partie analyse pour les superviseurs et pour la qualité, et puis une analyse un peu plus globale pour comprendre les tendances, analyser les sentiments, les émotions un peu plus précis.

DL : Donc on voit bien que l’IA ce sont des usages transversaux sur l’ensemble du parcours et de la relation des points de contact avec les clients. La question de l’analyse ensuite de ces échanges, on voit bien l’intérêt en terme de rapidité, d’efficacité. Par contre ce qui est intéressant après analyse, c’est les actions. Donc sur ces sujets-là, est-ce que l’IA va jusqu’à identifier des points d’action ?

NM : Aujourd’hui, ce sont plutôt des modèles qui seraient en test. On peut prendre un bon exemple : on parlait du résumé de conversation, c’est très intéressant comme cas d’usage. Avoir un résumé, ce n’est pas finalement le plus compliqué. Par contre derrière, c’est comment on va traiter l’information pour ce résumé que nous appelons « actionnable », donc actionnable dans le sens de ressortir une action : est-ce qu’il y a une prochaine action à prévoir, est-ce qu’il y a un comité à organiser ?
Tout ça va se faire aujourd’hui plutôt par des phases. Il y a une grosse phase avec les métiers, et je pense que c’est très important quand on veut aller plus loin dans l’utilisation. Premièrement, c’est de bien travailler avec les métiers, c’est-à-dire finalement quel va être l’objectif de l’IA. Il y a un premier objectif d’avoir un résumé, mais derrière, à quoi ça va servir ? C’est là presque le plus important parce que ça va nous permettre de faire le paramétrage.
Avec l’IA générative, ou maintenant même on parle aussi des agents IA, c’est de dire : pourquoi est-ce qu’on utilise cette IA ? On a ces actions-là, on les a définies avec le métier, et là on va pouvoir tester, paramétrer pour lancer un certain nombre d’actions. Si on reprend mon exemple du résumé, c’est vraiment faire que le prompt du résumé aille vraiment sur les deux-trois points qui sont les plus importants pour l’entreprise par rapport à une conversation. Donc ça, c’est quelque chose qu’on commence à voir mais qui nécessite quand même aujourd’hui, il faut le dire, pas mal de phases d’échange, de test, de pilote aussi.

DL : Justement, parce que tu parles d’échanges avec notamment les directions métiers, le ressenti d’un éditeur comme Odigo qui adresse le haut de marché – je crois pas dire de bêtises en disant ça – donc quel est le niveau de maturité de vos interlocuteurs chez les clients finaux par rapport à ces thématiques d’IA ?

NM : Sur cette partie maturité des entreprises, on a en fait plusieurs cas de figure. On a certaines entreprises, je dirais notamment le secteur bancaire par exemple, qui est plutôt en avant sur ces sujets-là et qui va monter des structures pour traiter ces sujets. Après, on a d’autres secteurs où on a moins cette maturité, on a du coup beaucoup de questionnements parce que forcément tout le monde a entendu parler de l’IA générative, donc avec toujours souvent la question « quel est le ROI ? » Mais derrière, en effet, on ne s’est pas posé peut-être toutes les questions de l’organisation : où sont mes données, est-ce que j’ai les bonnes données, est-ce qu’elles sont propres ? Donc tout ce cheminement de questions n’a pas forcément été fait dans ces entreprises, mais on voit bien que le sujet de l’IA est primordial et doit être étudié par l’ensemble des directions.

DL : Tu nous as dit dès le début qu’on se voit comme un orchestrateur, un chef d’orchestre – ça serait plus français – de ce qui se déploie chez les clients. Justement en terme de déploiement, comment on approche cette effervescence en matière de briques d’IA disponibles, autant celles que vous avez dans votre portefeuille ou avec vos partenaires, ou celles qui éventuellement sont préexistantes chez le client, notamment je pense à des applications de relation client ?

NM : Sur ce point-là, la question va toujours être vraiment le point central de bien définir son use case et son objectif. Je crois qu’il y a peut-être deux erreurs : la première, c’est de croire qu’il y a un modèle – on va prendre le plus gros modèle et c’est un modèle unique qui va faire l’ensemble des tâches qu’on veut faire. Une fois que j’ai ce modèle, je vais pouvoir essayer de faire un certain nombre d’actions.
Je pense que c’est un peu un mythe aujourd’hui parce qu’en plus, concernant les très très gros modèles, il y a aussi un impact notamment en terme de coût qui n’est quand même pas neutre, et après il y a d’autres impacts notamment environnementaux qu’on peut aussi avoir. Donc l’approche est vraiment de partir du besoin et après d’aller chercher par rapport à mon besoin quel est le modèle qui va correspondre. On n’a pas forcément besoin d’aller prendre la Rolls-Royce du marché. Je crois que c’est vraiment cette démarche qu’il faut faire et c’est ça l’intérêt de l’orchestration : d’abord se poser sur l’objectif de l’IA et après, à partir de ça, aller chercher tel modèle.

DL : Dans tout ça, il y a – tu l’as évoqué d’ailleurs à plusieurs reprises – la question du ROI. J’entends dire que les déploiements qui se font sont surtout des déploiements de test sur des périmètres limités, on est dans des logiques de POC justement pour démontrer dans un premier temps la faisabilité de ce que le client souhaite, et éventuellement mais il semble que ça ne soit pas aujourd’hui en tout cas la priorité, d’en calculer ou d’en construire un calcul de ROI. Est-ce que c’est quelque chose que tu vois aussi côté Odigo ou est-ce que finalement on a dépassé cette étape de POC, qu’on est vraiment dans du déploiement à l’échelle ?

NM : Les déploiements je dirais rentables à l’échelle, on en a quand même déjà sur ce que j’expliquais sur notre premier pilier, sur la partie notamment de callbot, chatbot qui notamment utilise aussi une part d’IA générative. On commence à avoir des déploiements quand même à large échelle, donc c’est important de le souligner parce que c’est quand même une étape clé dans la partie traitement.
Après, c’est vrai que sur d’autres cas d’application, notamment ce qui va être lié au conseiller, on a encore beaucoup de POC, de pilotes. On est plutôt sur cette phase-là. Je pense qu’il y a aussi la partie prise en main par les conseillers, je dirais l’adaptabilité des métiers, et ça je pense que c’est un point important sur lequel les entreprises doivent travailler parce qu’on met quand même un nouvel outil entre les mains des conseillers et il faut qu’il y ait une appréhension de ces outils.
Pour revenir sur la question du ROI, c’est vrai que c’est une question qu’on a systématiquement : quel est le ROI des solutions de l’IA ? Alors ça, c’est plus un conseil qu’on a : c’est d’essayer d’avoir une approche – alors là c’est une approche qui est pas mal dans la partie ressources humaines – quand on parle des objectifs des KPI, on parle souvent maintenant d’OKR, donc c’est des objectifs avec derrière des résultats clés.
C’est essayer déjà de bien définir – je reviens sur c’est quoi déjà mon objectif, pas un objectif chiffré, mais c’est quoi mon objectif de mettre en place l’IA. Et après, essayer de réfléchir quand même à des métriques. Ça peut être une diminution de temps pour un conseiller, mais ça peut être aussi plus de process qui sont faits en moins de temps. Mais qui vont servir un objectif global. Donc c’est bien de se poser cette question plutôt que de rechercher tout de suite le ROI brut en fonction de l’investissement.

DL : Je voudrais quand même avant qu’on se quitte aborder un sujet que tu as assez indirectement évoqué déjà, mais c’est celui de l’accompagnement des clients. Et là je pense notamment à une catégorie de personnes : ce sont les consultants, les cabinets de conseil. Quels seraient les points importants selon Odigo auxquels ces cabinets de conseil doivent être attentifs pour correctement accompagner en amont leurs clients sur le choix d’une solution, ou en tout cas l’identification des besoins avant de parler de la solution elle-même, et puis dans l’accompagnement et l’appropriation de ces solutions dans la durée chez ces mêmes clients ?

NM : Sur ce point, je dirais qu’il y a plusieurs critères. Peut-être le premier critère pour les cabinets de conseil, c’est de regarder l’évolutivité du système. C’est-à-dire quand on va comparer différents éditeurs, est-ce que le système est évolutif ? Est-ce qu’on pourra passer facilement d’un LLM à un autre LLM ? Est-ce qu’on va pouvoir aussi peut-être faire un hébergement dans du cloud public, du cloud privé ? C’est vraiment un point clé parce que ça va permettre aux clients que les consultants accompagnent de pouvoir bouger avec ce rythme de l’IA qui va très vite.
Le deuxième, c’est de regarder évidemment la solution : quels sont les cas d’usage couverts, mais de comprendre aussi au-delà de l’outil la méthodologie de projet et l’accompagnement. Et puis peut-être le dernier critère, c’est la partie business model. Ça peut être intéressant d’avoir un business model qui soit évolutif en fonction des consommations, d’avoir quelque chose qui est assez transparent en terme de business model pour bien le comprendre parce qu’il y a quand même beaucoup de variables et de paramètres.

DL : Parfait. Écoute, merci beaucoup pour tous ces éléments de réflexion. En tout cas, on voit que le sujet est vaste et assez nouveau et en permanence remis sur la table, donc un travail de veille d’information permanente, c’est à ça aussi qu’HubTic essaie de s’atteler. Il me reste à te remercier vraiment vivement pour cet échange et le temps que tu y as consacré, et puis j’espère qu’on aura l’occasion de reparler de tout ça peut-être avec d’autres angles de vue, mais je suis sûr qu’on ne va pas s’ennuyer dans les semaines, les mois, les années qui viennent sur ces sujets-là. Un grand merci Nicolas.

NM : Merci Didier pour l’invitation.

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