DL : Bonjour, je suis Didier Lambert, le fondateur de la plateforme HubTic, une plateforme de veille et d’information dans le domaine des communications unifiées, de la collaboration et de l’expérience client. Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’échanger avec Jean-Michel Breul, qui est co-CEO chez Odigo.
Bonjour Jean-Michel, comment allez-vous ?
JMB : Très bien. Et vous, comment allez-vous ?
DL : Bien également. Merci de poser la question et surtout merci de me consacrer un petit peu de temps.
On est là pour parler d’IA ou des IAs, puisque aujourd’hui le pluriel est de mise sur ce sujet-là. L’idée, c’est de mieux comprendre comment, dans cet environnement en pleine effervescence des intelligences artificielles, Odigo se positionne et quels usages il en fait.
Mais peut-être, avant de démarrer, est-ce que vous pouvez, en quelques mots, pour ceux qui ne connaissent pas ou mal Odigo, nous redire qui est Odigo, qui est cet acteur et comment il se positionne sur le marché.
JMB : En quelques mots, Odigo est éditeur de solutions numériques de centre de contact, de service et de customer experience. Nous jouons dans deux catégories reconnues par les analystes IDC, Gartner et Frost : CCaaS et CX as a service .
Nous sommes 650 collaborateurs, basés en Europe — France, Espagne, UK, Benelux. Nous servons 250 clients dans plus de 100 pays, avec un chiffre d’affaires d’environ 160 millions d’euros. Nous développons nos solutions à l’état de l’art, notamment sur les sujets de l’IA, qui est le sujet qui nous occupe aujourd’hui. L’IA étant un fantastique booster du domaine de la relation client, qui nous anime tous.
DL : Justement, puisqu’on parle d’IA, et parce que chacun a un peu sa définition, de quoi on parle quand on parle d’IA chez Odigo ?
JMB : Odigo fait de l’IA depuis des années, depuis plus d’une dizaine d’années, avec le langage naturel et toutes ces solutions mises au service de la relation client et des centres de contact. Chez Odigo, on parle du langage naturel historique, mais on parle aussi de speech-to-text (STT), de TTS, on parle de l’IA générative, de l’IA analytique, et plus récemment de l’IA agentique. Ce qui va nous intéresser dans le déploiement de l’IA, c’est de faire en sorte que ces IA soient orchestrées, qu’elles collaborent entre elles pour fournir le résultat attendu par le centre de contact, par la relation client, et soient complètement intégrées aux solutions numériques déjà déployées, et pas uniquement de l’IA juste pour faire de l’IA.
DL : Je reviendrai sur la notion d’orchestration, qui est assez présente dans vos communications. Mais avant ça, dans tous ces usages de l’IA, quels sont les retours d’expérience que vous avez aujourd’hui ? Quels sont les domaines dans lesquels l’IA, ou les IA encore une fois, sont les plus intéressantes, apportent le plus de valeur, à la fois pour les personnes qui exploitent le centre de contact ou d’expérience client, et pour le client final ?
JMB : Les domaines les plus intéressants de l’IA dans la relation client sont ceux de ce qu’on appelle la qualification et les phases initiales de l’interaction entre un client et sa marque, soit sur des interactions vocales, des interactions digitales ou par mail. Chez Odigo, nous sommes focalisés, dans un premier temps, sur ces étapes de qualification avec des voicebots, des callbots, avec la capacité d’automatiser, via l’IA, ces premières étapes. Jusqu’à tout récemment, nos dernières solutions sur l’IA agentique, avec des solutions complètement autonomes pour répondre de manière automatisée, sans potentiellement d’humain, à une interaction d’un client en mode vocal, mais également en mode digital. On a la capacité aujourd’hui chez Odigo de répondre automatiquement, grâce à l’IA, sur des mails. Donc réponse automatisée et pilotée par l’IA sur la réponse aux mails. On l’a déployé cet été sur une compagnie d’assurance. Depuis quelques trimestres maintenant, on a déployé des solutions IA chez un fournisseur d’énergie, chez un ascensoriste bien célèbre. Nos solutions sont présentes et opérationnelles à la fois sur des voicebots, des callbots et sur des digital bots.
DL : C’est vrai que quand on parle de centre de contact ou d’expérience, on a souvent tendance à oublier un peu vite qu’il n’y a pas que la voix comme canal, même si elle reste prépondérante. Vous m’avez tendu la perche tout à l’heure en parlant d’IA agentique. Là aussi, c’est un concept qui est devenu incontournable. Par contre, la définition de ce que c’est qu’une IA agentique n’est pas forcément homogène en fonction des interlocuteurs. Comment on définit une IA agentique, et quels sont ses principales fonctionnalités et bénéfices chez Odigo ?
JMB : L’IA agentique, chez Odigo, se définit de manière très simple : on va donner à un collaborateur IA, à une ressource IA, un travail qui était auparavant réalisé soit par un automate qu’on programmait, soit par un humain. Donc on va lui donner du travail, comme si c’était un collègue, avec ce fameux ‘prompt’. On va donner du travail d’analyse, de qualification, pour que, en self-service, un agent, une ressource, puisse traiter la quasi-totalité du parcours client initial. Donc avec toute une série d’informations qui vont être fournies pour que, en autonomie, l’agent IA, la ressource IA, puisse répondre. Donc c’est un collaborateur digital, c’est un assistant digital pour répondre comme si on aidait un collègue fraîchement arrivé à répondre à des interactions vocales ou digitales.
DL : Exactement. Alors, l’IA, il y en a un peu à toutes les étapes de la relation et de l’expérience client, plus ou moins visibles. Elles ne sont pas forcément toutes générées par Odigo. Par exemple, si je prends les CRM, il y a une nécessité aujourd’hui de faire parler correctement un outil comme le vôtre avec les CRM du marché. Ces CRM ont leurs propres IA, souvent, enfin en tout cas de plus en plus. Comment on gère, quand on déploie une plateforme comme Odigo chez un client, cette multiplicité d’IA disponibles ? Comment on orchestrer tout ça pour que, au final, ça fonctionne de manière fluide et sans accroc ?
JMB : Il y a, de base, pour un client final d’une marque ou pour un agent, un conseiller travaillant sur une interaction avec un client final, une nécessité que ce soit invisible, ou peu perçu. Donc c’est un sujet d’orchestration, d’ouverture des solutions. Les solutions sont complètement ouvertes pour intégrer des IA, des LLM, venant de clients spécifiques ou de choix faits précédemment. Nous travaillons également avec des CRM, on travaille par exemple avec Salesforce. Donc nous avons une intégration dans Salesforce CTI ou Service Cloud Voice. Les solutions IA sont parfaitement intégrées au sein d’Odigo, notamment sur les phases initiales de qualification, mais sur les phases postérieures, d’analyse a posteriori des interactions, ce sont les capacités Einstein de Salesforce qui prennent le relais. Donc on est complètement intégrés, de manière transparente, dans une solution IA au service des agents et des clients.
DL : Dans ces déploiements, après ces déploiements plutôt, il se pose souvent la question de la mesure du retour sur investissement. Comment on mesure, chez Odigo, la réussite du déploiement de l’IA à une étape donnée d’un processus ? Quelles sont les clés qui sont éventuellement mises en place avec le client pour s’assurer que ce qu’on a fait est pertinent par rapport à la stratégie du client, à ses objectifs ?
JMB : Effectivement, il y a beaucoup de questions sur le retour sur investissement. Ce sont des questions qu’on aborde de manière totalement explicite avec nos clients. Ça fait partie, d’ailleurs, des valeurs de pragmatisme dans le déploiement de nos solutions. Pour ça, on s’est intéressé principalement aux phases initiales de qualification, qui sont les phases les plus évidentes sur lesquelles on peut avoir du retour sur investissement. Ca fait partie de l’engagement commun entre le client et Odigo de pratiquer des mesures avant/après. Donc en mettant en place ces pratiques conjointes, sur ces phases de qualification initiale pilotées par l’IA ou assistées par l’IA, on constate en moyenne des réductions, des gains de 20 % : soit sur la durée des appels, soit sur la qualité fournie au conseiller ou à l’agent qui traite l’interaction, pour traiter correctement la relation avec le client, parce que la compréhension en amont était meilleure. C’est du self-service qui va diminuer globalement le temps d’attente ou le temps de communication du client final. Donc en moyenne, on a différents abacs, on constate de manière un peu systématique ces gains de 20 % d’économie de ROI sur les phases initiales de qualification, qui est encore une fois là où on a déployé nos IA en priorité.
Sur les phases postérieures, d’agent assisté, ça va dépendre du taux de déploiement, où là, la mesure est un peu moins tangible. On va parler plus d’assurer des missions grâce à l’IA, d’éviter de la pénibilité du travail, comme du résumé de conversation, du résumé d’interaction, qui sont, à la fin, « il faut que je reprenne toutes mes notes et il faut que je fasse le résumé de tout ce qui a pu être dit au cours des dernières minutes ». Donc ça, c’est complètement automatisé grâce à l’IA, qui peut, à 100 %, être réinjecté dans les CRM pour être ensuite réutilisé a posteriori. Donc tout ça, ce sont des éléments de pénibilité, et là, on parle plus forcément de ROI, mais on parle de priorisation d’action pilotée par l’IA.
DL : Si je lis entre les lignes, vous nous dites qu’il faut déployer l’IA où elle est la plus pertinente et peut-être – vous ne l’avez pas dit comme ça – la plus rentable. Aujourd’hui, quand on écoute un peu le bruit du marché, on a l’impression qu’on fait de l’IA pour l’IA, au risque de dévaloriser l’intérêt de ces nouvelles technologies. Est-ce qu’il y a une démarche de déploiement raisonné de l’IA quand vous discutez avec vos clients ou vos prospects ? Ou est-ce qu’il y a une demande qui est tellement forte que, finalement, on cède un petit peu aux requêtes du client, même si ce client n’a pas saisi toutes les subtilités, à la fois technologiques et peut-être aussi financières, du déploiement d’une telle technologie sur son site ?
JMB : Le déploiement de l’IA aujourd’hui, dans notre domaine, est raisonné et raisonnable. Effectivement, il y a cette émergence de la qualification, qui se faisait déjà il y a 10 ans avec du langage naturel, qui évolue avec l’automatisation de l’agent IA, et aujourd’hui avec plus d’autonomie, une facilité de déploiement. C’est un acquis. En revanche, toutes les phases postérieures d’agent assisté ou de passage à l’échelle vont nécessiter, de la part des clients, une réassurance sur la qualité et la performance. Donc on parle plus forcément de ROI, on parle de : « Est-ce que j’y vais, est-ce que j’y vais pas ? Est-ce que je suis sûr que la réponse qui va être donnée à mon client final ou à mon agent est la bonne ? » On va parler de réassurance.
Chez Odigo, on a mis en place des outils de mesure, des outils de contrôle de la qualité, qui sont aussi pilotés par l’IA, mais pas la même IA. On parle encore d’orchestration d’IA pour valider la qualité de la réponse donnée par l’IA. Donc ce sont des pratiques qu’on généralise au sein de nos clients pour améliorer la qualité, pour s’assurer de la qualité, faire de l’amélioration continue de l’IA proposée dans les différents use cases.
DL : Toujours du point de vue des attentes clients, est-ce qu’il y a aujourd’hui des questions liées à l’innovation responsable ou au déploiement responsable de ces technologies, dans le cadre très présent, en tout cas de plus en plus présent aujourd’hui, des programmes RSE et de la maîtrise du déploiement de ces nouvelles technologies ?
JMB : Oui, ce sont des questions qui se posent sur l’aspect raisonnable, d’économie. L’économie aujourd’hui, elle va se mesurer par un élément basique, qui est l’économie financière. C’est-à-dire qu’il y a un prix de déploiement de l’IA pour un client, un prix d’implication des équipes, mais aussi le prix de la technologie. Nous avons aussi un coût, nous, d’usage de l’IA. Donc cette équation, elle est aujourd’hui… L’aspect raisonnable vient du coût. Premier aspect : déployer tout ce qu’on entend d’OpenAI, qui est complètement au dernier niveau de maturité de ce que l’IA peut faire, déployer ça à l’échelle sur des dizaines de milliers d’interactions par jour chez une assurance, c’est bien, mais c’est une aberration économique. On en est à ce niveau de rationalité aujourd’hui. Et on sait que les technologies évoluent pour se compacter, devenir plus économes. Donc le niveau de raisonnabilité, enfin d’économie, vient sur l’équation financière initiale.
DL : Juste pour explorer un petit peu le sujet, on entend de plus en plus parler de small language models (SLM) par rapport à ces modèles généralistes. Est-ce que ce sont des choses qui sont sur la table aujourd’hui, chez Odigo et chez ses clients ?
JMB : Oui, ce sont des pistes que nous explorons aujourd’hui. Nous sommes sur des LLM pour déployer à l’échelle les solutions que nous avons aujourd’hui disponibles. Donc c’est une étape qui va arriver pour arriver à une économie d’échelle. Nous déployons aussi des tactiques et de la programmation, au-delà de l’IA, pour déployer l’IA auprès des bons périmètres, du bon set de personnes, de bons sets d’agents, de conseillers qui ont besoin d’IA. Il ne s’agit pas de déployer de l’IA sur un pôle d’expertise qui va être le dernier niveau de transfert d’un appel. On ne va pas déployer l’IA à ce niveau-là. On va la déployer sur des nouveaux arrivants, au sein des agents et des conseillers, au sein des plateaux. De la même manière, on va sélectionner les use cases et les types d’appels, les types d’interaction qui vont devoir bénéficier de l’IA. Peut-être que le B2B a besoin de plus d’IA en automatique que le B2C, pour nos clients. Donc on est sur ce type de rationalité et de décision avec nos clients sur où déployer de manière pragmatique.
DL : Pour ouvrir un petit peu et donner de la perspective sur les cas d’usage : à horizon 6 mois, 1 an, c’est déjà immense quand on parle d’IA, quelles sont les perspectives intéressantes du marché selon vous ?
JMB : Je pense qu’au-delà du centre de contact, qui est notre thème de prédilection, on a, au sein de l’IA, au sein du centre de contact, une valeur fondamentale qui est la qualité de la donnée. On a la vraie donnée de ce qu’un client dit à sa marque, soit de manière vocale, soit de manière digitale. Donc il y a un sujet d’exploitation de cette donnée, sur tous les sujets d’IA. On cherche systématiquement la qualité de la donnée. Là, la qualité de la donnée, elle est pure. Donc le vrai sujet, ça va être d’utiliser ce gisement de données, ce gisement de qualité, pour en proposer des insights, pas des insights pour le centre de contact, mais des insights pour le service client ou le service rendu aux clients globalement par l’entreprise, pour prendre des décisions sur des orientations des services ou des biens fournis par une entreprise, pour fournir des orientations, pourquoi pas stratégiques, liées à la compétition, liées à l’agilité du service global rendu. C’est un des aspects sur lesquels on travaille aujourd’hui. On va lancer une offre dans les prochains jours sur cet aspect insight.
On a aussi un élément de l’IA qui est la fameuse collaboration entre les différents outils qui proposent nativement des IA. On a parlé de Salesforce tout à l’heure, le CRM de UAS. Donc c’est comment les IA peuvent collaborer pour fournir une solution uniforme, et puis adapter tout cela à une roadmap. Les clients, nos clients, se sont structurés pour avoir une démarche progressive. Donc accompagner les clients par des consultants, dans des cadres de RFP, pour structurer une roadmap qui va être progressive, pouvoir sélectionner au bon moment le bon usage, va être un des prochains enjeux du déploiement de l’IA.
DL : Je rebondis, et ça sera ma dernière zone d’exploration, sur les partenaires et consultants que vous venez d’évoquer. On est sur des sujets quand même relativement nouveaux, qui bougent beaucoup. Comment on travaille avec cet écosystème d’experts, que ce soit des consultants au sein d’ESN ou d’intégrateurs, pour vulgariser ces technologies et comprendre, ou en tout cas mettre en valeur, les bénéfices qu’un consultant peut, auprès de ses propres clients, mettre sur la table pour les convaincre de l’intérêt de ces nouvelles technologies ?
JMB : C’est vrai que pendant longtemps, dans le centre de contact, on a travaillé sur du paramétrage, sur la configuration, l’optimisation du centre de contact. Là, on passe sur vraiment des sujets d’orchestration d’IA. Donc travailler sur la compréhension des différentes IA, qu’est-ce qui est très intégré aux solutions numériques comme on peut l’avoir, qu’est-ce qui peut être externe, déjà choisi, comment toutes ces IA peuvent collaborer. Ça va être un des métiers d’accompagnement d’Odigo, mais aussi de nos partenaires. Donc on travaille avec nos partenaires pour expliquer ce qu’on fait, notre degré d’ouverture, comment les IA proposées par Odigo, proposées par d’autres, pourquoi pas déjà sélectionnées par l’entreprise avec laquelle on travaille, peuvent collaborer. C’est un travail d’éducation que l’on fait au jour le jour avec nos partenaires.
DL : Si quelqu’un qui visionne cette vidéo veut en savoir un petit peu plus, est-ce qu’il y a un point d’entrée à privilégier chez Odigo ?
JMB : Le point de contact, c’est odigo.com. On a des vidéos pour expliquer un petit peu nos dernières nouveautés au sein de nos technologies.
DL : Parfait. Jean-Michel, il me reste à vous dire un grand merci.
JMB : Merci à vous, et une bonne fin de journée.